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Champ libre (littéralement) : Grignon/Aubervilliers, on laisse pas béton les jardins

Dernière mise à jour : 10 févr. 2022



À Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, la Société du Grand Paris a décidé la bétonisation de jardins ouvriers centenaires, au bénéfice des Jeux Olympiques Paris 2024, qui se targuent d’être « les plus verts de l’histoire ». Récit d’un gros foutage de gueule.


Les Jardins des vertus sont situés en contrebas du fort d’Aubervilliers : 26 000m² de jardins familiaux (« jardins ouvriers » était sûrement un terme devenu désuet) où les riverains se partagent quatre-vingt-cinq parcelles pour cultiver leurs fruits et légumes. À Aubervilliers, les habitants des cités attenantes aux Jardins des vertus ne vont pas régulièrement à la campagne; ils sont, pour plus de trois quarts d’entre eux, locataires de leurs logements, logements dont 35% sont suroccupées. Et pourtant, ces grandes parcelles cultivées leur permettent de retrouver des voisins, jardiner avec leurs petits-enfants, et consommer local. Les Jardins sont un terrain fertile pour cultiver les liens sociaux entre les jardiniers. En plus des relations sociales, un véritable écosystème est né du soin qu’ils ont pris à s’occuper de la terre. Aucun déménagement de parcelles dans la commune d’à côté ne pourra égaler le temps qu’il a fallu pour nourrir la terre et la faire fructifier.


Les jardins familiaux d’Aubervilliers… avant


Et voilà que la société du Grand Paris arme ses bulldozers et ses pelleteuses sur les Jardins des vertus, considérés comme de vulgaires friches. Le plan : construire le solarium de la piscine olympique des Jeux de 2024, et faire passer la nouvelle ligne de métro afin de désenclaver (ET GENTRIFIER !) cette banlieue nord de Paris. La société d’aménagement profite évidemment des passe-droits « Jeux Olympiques » permettant d’aménager un espace dans un court laps de temps, sans aucune concertation avec les habitants. Ce sont pourtant ces habitants qui, bien qu’ils soient voisins, ne seront pas invités à fêter le sport et la tolérance internationale, mais qui en revanche vont subir bien des années après les conséquences sociales et environnementales de ces aménagements. Les Jeux vont créer des emplois dans le quartier vous me direz. Certes, mais ce seront des emplois précaires et surtout temporaires. Qu’en sera-t-il en 2030 ?


Alors, dans cet endroit menacé, on a levé des barricades en cageots à légumes. On y croise (croisait…) des jardiniers prêts à défendre leurs parcelles, et d’autres résignés, qui savent que leurs voix ne porteront pas, rejoints par des militants écologistes débutants ou aguerris : ils composent la JAD. Alors non, ce n’est pas ma prononciation chuintante du mot ZAD, mais bien de Jardins à défendre dont il s’agit. La mobilisation n’a pas suffi, et le 2 août 2021, 4000m² de jardins ont été détruits et sont maintenant en attente de bétonisation. Les occupants de la JAD continuent cependant à se battre dans l'espoir d'éviter cette bétonisation.

Les jardins d’Aubervilliers maintenant


Aubervilliers, l’une des villes les plus pauvres de France (le taux de pauvreté y est de 42%, le taux de chômage, 22%), qui manque d’infrastructures publiques en tout genre, aura donc son solarium. Ce sera l’héritage de la grande fête des Jeux Olympiques. À croire que les habitants devraient dire merci à la société du Grand Paris; celle-ci n'a même pas fait semblant de considérer le fruit de leur travail dans les jardins, ce travail qui n'engendre pas de bénéfices. Car le problème est toujours le même: l’argent. L’argent, au delà de l'organisation des JO, pas forcément rentables, mais qui sont un bon prétexte pour détruire sans préavis. L’avidité des promoteurs les mène à la destruction pour le bénéfice, pour le plaisir de faire tourner à vide le système capitaliste, au détriment de l’environnement. Des sommes immenses sont mises en jeu (olympique), par des promoteurs et des mairies qui s’en mettent plein les poches. De l’autre côté, les plus petits raquent encore, condamnés à voir leurs cadres de vie se dégrader.


À peine j’aborde le sujet que je passe pour la rabat-joie de service auprès de tous ceux qui avalent sans mâcher les beaux discours d’Anne Hidalgo sur le rayonnement international de Paris. On me répond «Rhooo, les JO c’est une grande fête, on peut bien se débarrasser de quelques friches pour donner bonne impression au monde entier ». Et évidemment ce genre de remarque provient de gens disposant d’un extérieur privé non menacé de destruction.


Toujours est-il que les bulldozers ont remplacé les cerisiers et les plants de tomate des Jardins des Vertus. La bétonisation de cet endroit me donne franchement envie de brûler la société du Grand Paris de créer un nouveau mouvement, le NIMJO, Not in my jardin ouvrier.


Grignon dit non

« Ne sacrifions pas Grignon sur l’autel du profit ! » © Thomas Baietto pour France Info


Le béton à la cote, mais les vieilles pierres sont aussi dans le collimateur des promoteurs immobiliers, ces vendeurs de cauchemars. Le département des Yvelines, dans la verdoyante banlieue ouest de Paris. Grignon, plaine riche en terres fertiles, en beaux mecs, et surtout en projets immobiliers. On n’y compte déjà plus le nombre de châteaux investis par des projets immobiliers privés, destinés à accueillir les Parisiens qui se sont rabattus sur des châteaux plus petits, après qu’Emmanuel Macron ait racheté Versailles pour en faire sa résidence principale (les infos ici sont avant tout fiables).


Le site de Grignon abrite actuellement et depuis presque deux-cents ans le site d’AgroParisTech (sous tous les noms que l’école a connu avant), plus grande école d’agronomie de France, ainsi qu’une ferme pédagogique, des laboratoires de l’Inrae, une grande forêt et un château du XVIIe. Le rêve ! Il n’en fallait pas plus pour que le promoteur Altarea-Cogedim remporte une offre d’achat pour y construire son nouveau projet lucratif. La visée du projet est assumée, la REN-TA-BI-LI-TÉ : logements prônant la mixité intergénérationnelle (mais pas sociale lol), pôle économique lié à l’agriculture, lieu de rencontre pour les entreprises franciliennes, tourisme avec escapades dans des restaurants étoilés...


Une bonne partie des acteurs locaux se sont mobilisé contre le projet, parmi lesquels les étudiants et professeurs d’AgroParisTech, et la commune de Thiverval-Grignon. D'autant plus qu'un autre projet plus soucieux de la transition écologique est porté par l'association Grignon 2000. Le projet Grignon 2026 prévoit la création d'un centre international dédié à l'agriculture, à l'alimentation et à l'environnement. Ce projet éviterait le démantèlement du domaine de Grignon et perdurerait sa vocation agronomique, même après le déménagement d'APT sur le plateau de Saclay.


Une longue bataille juridique est engagée entre les locaux/ entreprises agronomiques et les promoteurs. Bonne nouvelle : l’Etat a provisoirement annulé la vente, mais une nouvelle procédure de cession doit avoir lieu au second semestre 2022. On l'aura compris, les questions de politique et d'économie passent bien avant toute conscience écologique ou sociale.


La playlist associée: https://open.spotify.com/playlist/46ZJFT1P6Wnri0moDsTVKf?si=1c5e7a7199c84604










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