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Adieu ma banlieue : le festival des Vendanges de Suresnes

Dernière mise à jour : 2 avr. 2022




En septembre 2021, la ville de Suresnes faisait la promotion d’un nouvel événement, la Fête de la Vigne, une version politiquement-correcte 2021 du Festival des Vendanges, qui fût jadis un petit évènement local.


Ce festival, c’était mon rendez-vous incontournable du premier week-end d’octobre. Je n’en ai jamais raté une édition. C’est lui qui m’a donné le goût des arts de la rue, de la poésie visuelle, de la folie douce ou extravagante. J’en revenais toujours avec un grand sourire, des projets plein la tête. Je suis heureuse d’avoir pu grandir dans une commune qui organisait ce genre d’évènement. C’était l’occasion d’aller dans les Cités Jardins, joli quartier de logements sociaux où personne ne va jamais. On y croisait nos voisins, nos profs, Agnès Varda, une fois. On se serrait sur des bancs branlants ou par terre sur des tapis, quelques habitants curieux regardaient depuis leurs fenêtres : nous étions tous réunis pour assister à la parade, puis aux spectacles et enfin au concert. Le midi, on mangeait un sandwich merguez chez un commerçant du coin, le soir c’était fête foraine puis after party au MacDo. C’était top!


©Le Parisien J’ai pris une photo du Parisien, pour épargner mes éventuels lecteurs des photos prises avec ma Nintendo DS. De rien!


Mais voilà, en 2021, plus de Festival des Vendanges. Cela ne s’est pas fait d’un coup, la censure s’est évidemment faite progressivement. Tout a été pensé pour que le festival perde de son importance : implication moindre des habitants et du collège Henri Sellier, accessibilité réduite, baisse de la qualité des spectacles et des décorations. Cela est aussi lié au changement des catégories de population, qui s’est ressenti sur l’ambiance générale de la ville : l’arrivée massive de CSP+, qui cherchent des événements bon chic bon genre plutôt que la fête à la saucisse.


Car la raison de l’annulation de la fête des Vendanges est politique : pour la mairie de Suresnes, les arts de rue, c’est un truc de prolos. La mairie de droite veut que la rue, plutôt qu’être un espace de vie, soit une jolie vitrine pour attirer les cadres supérieurs. Alors évidemment, ça la foutait mal de mettre en valeur le quartier le plus pauvre et délaissé des politiques publiques de Suresnes. Cela fait d’ailleurs partie d’un mouvement qui a réussi à renier tout un passé populaire et ouvrier dans la région, mais j’y reviendrai.


J’ai essayé de parler calmement aux organisateurs, pour leur demander ce qui les avait décidés à tuer ce festival, et au passage toute expression artistique émanant d’intermittents du spectacle. J’ai alors eu le droit à ma première langue de bois politique. L’organisatrice me parle d’un renouvellement axé autour de la vigne (ils vendent du vin quoi), d’une fête « plus participative » qui concerne tous les quartiers, des conditions sanitaires*, puis finit par se rétracter sur ce dernier point en affirmant que le festival ne reviendra pas sous sa forme initiale. Impossible d’échanger davantage avec la grosse dame. Elle me regarde avec condescendance, me dit qu’elle souhaite apprécier le spectacle (lequel?) et me demande d’arrêter de l’agresser. Bah oui, parce que le dialogue est tout de suite interprété comme une agression, surtout quand on est mal à l’aise d’avoir provoqué une double tuerie, populaire et culturelle.


En bonne gauchiasse, j’aime les spectacles subversifs et instructifs, comme ce spectacle il y a quelques années qui mettait en scène des catégories de français dans une sorte d’arène et de voir qui mourraient en premier en fonction de leurs origines sociales (non mais fallait être là pour comprendre). Ou encore cette autre déambulation où l’on suivait une troupe de comédiens en portant des autocollants « force outragère ». Cela faisait évidemment partie d’un panel de spectacles apolitiques, de numéros de cirque et de rendez-vous musicaux en tout genre. Mais en 2019, voilà le trop plein : un petit kiki est subrepticement apparu sur scène, la ville a coupé court. A l’époque dans son communiqué la mairie déclare être « attachée à la liberté de création artistique qui est au cœur de l’identité de ce Festival». Bah non du coup.


Visiblement, pas de sandwich merguez pour Guillaume Ego Boudy, dont les ambitions pour Suresnes sont moins élevées que ses ambitions politiques personnelles.

©Journal de Suresnes Merci au photographe pour ce cliché, mais c'est lequel le maire sur la photo?


L’élection du nouveau maire Guillaume Boudy, énarque à l’égo gonflé que le journal de la ville aime mettre en scène dans toutes les situations, a précipité l’annulation du rendez-vous des Vendanges. Il l’a voulu, il l’a eu sa fête plus participative. Pour la Fête de la Vigne, on a lissé les célébrations : place aux ateliers coloriage, ferme pédagogique et vente de vin : abrutissement des enfants, et tentative de rentabiliser la présence d’une vigne à Suresnes en vendant sa piquette. Sans rire, vu le prix du m² dans les Hauts-de-Seine, on verrait mieux des villas de luxe à la place de ces plans de vigne, non?


J’ai fini par lâcher l’affaire du théâtre de rue. Je connais des habitants du quartier qui m’ont dit que personne n’y allait de toute façon, à ce Festival des Vendanges. Il ne s’agissait pour eux que d’un grand bordel qui les empêchait de garer leurs voitures. La pire réponse que l’on m’a faite fût que les spectacles n’étaient pas adaptés aux enfants parce que ces derniers allaient être amenés à poser trop de questions!(?) Cela m’attriste profondément, mais la connerie ambiante a gagné.


La Fête de la Vigne, s’est déroulée dans l’indifférence générale, un week-end pluvieux. Son échec sera justifié par la météo. Une « fête » qui a un goût de pétard mouillé, tout comme le feu d’artifice, annulé. Décidemment à Suresnes on aime bien cancel des trucs !



Voici une petite vidéo que j'aime bien: https://www.youtube.com/watch?v=yqpvGJ9Q2-Y Et bisous à mes deux copines qui se tapent une grosse affiche



*Le Covid-19 été un moyen massif de privatisation et de censure à base de « mais vous comprenez, c’est pour votre santé ». L’exemple de la privatisation d’une partie du parc départemental de la base nautique de Sèvres illustre bien cela. Des barrières nous interdisent désormais d’accéder aux berges de la Seine. Le prétexte ? La pandémie bien sûr! Une seule façon de s’immuniser et d’accéder à cet espace PUBLIC : adhérer au club nautique, moyennant quelques centaines d’euros.


Cet article s'appuie évidemment sur des faits, mais aussi sur mon ressenti en tant que citoyenne. Les sources si besoin: https://www.suresnes.fr/ma-ville/actualites/festival-des-vendanges-communique-de-la-ville-de-suresnes/ https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-92073#chiffre-cle-9 Population de 15 ans ou plus selon la catégorie socioprofessionnelle

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